Pas de vacances pour le Big Data

Parmi les secteurs où la France excelle, il y en a un dont le pays truste la première place du classement mondial depuis longtemps (au moins aussi loin que remonte wikipedia) : celui des pays les plus visités au monde. En 2013 la France se classe loin devant les Etats Unis et l’Espagne et a même connu une hausse de 2% des entrées touristiques par rapport à 2012. A la vue des 15 millions d’entrées d’avance on peut même imaginer que la première place lui est promise encore quelques années minimum (cf article du Monde).

La satisfaction des touristes est un levier majeur de croissance du secteur

Pour maintenir cette première place, voire augmenter le nombre de touristes (84,7 millions en 2013, Laurent Fabius – ministre des affaires étrangères – a mentionné un objectif à 100 millions), il apparaît nécessaire de comprendre ce qui attire les touristes d’aujourd’hui et de demain.

La littérature mentionne souvent la richesse culturelle (dont la gastronomie), la beauté et la diversité des paysages, l’authenticité de Paris et des petits villages ; bref, on parle d’acquis dont il « suffit » de maintenir la notoriété et l’image pour attirer des touristes (cf article Le Point).

Un autre point rarement mentionné (car difficile à comparer entre pays) est la satisfaction des touristes et donc leur propension à revenir. Une étude 2012 réalisée par le ministère du redressement productif a montré que 12% des visiteurs venaient pour la première fois, mais que ce ratio correspondait aussi à peu près aux touristes déçus qui pensaient ne pas revenir. Ainsi la croissance de la « part de marché » touristique de la France passera par une meilleure expérience sur place et donc une satisfaction accrue, les acquis ne pourront pas suffire (cf étude du ministère).

Le Big Data est L’outil d’avenir pour une expérience client réussie

Sans surprise le Big Data s’est donc immiscé dans le secteur touristique, et même relativement tôt par rapport à d’autres domaines. Les outils actuels d’exploitation des données de masse servent à 3 types d’actions :

  • Permettre aux touristes de mieux préparer leur séjour ou voyage
  • Permettre, à froid, aux professionnels du tourisme de mieux comprendre les profils, attentes et appréciations des touristes afin de préparer les saisons suivantes
  • Permettre, en temps réel, une gestion personnalisée des touristes et des flux

 Mieux préparer un séjour grâce au Big Data

Farecast

Il est possible de citer de très nombreux exemples de services « Big Data » innovants et améliorant l’expérience AVANT le séjour. En voici 2 qui me semblent particulièrement intéressants.

FareCast fut le premier service qui, pour un vol donné, avait scanné et historisé tous les prix en fonction de la date de réservation et pouvait vous dire si c’était le bon moment pour acheter votre billet, et si non précisait alors le meilleur prix que vous pouviez espérer. FareCast était limité aux vols intérieurs des Etats-Unis et a été racheté par Microsoft (FareCast a été intégré dans Bing Travel). En France ce type de service est actuellement proposé par Kayak.fr. Ce comparateur de vols vous permet d’acheter vos billets et a enrichi son service avec la tendance tarifaire estimée (un taux de confiance de la prédiction est même affiché).

Un autre service digital innovant pour le voyage est celui de Zaptravel. Ils inversent la façon de préparer un voyage : on passe de la version classique « je veux aller à tel endroit à telle date puis j’organise mes activités » à une approche « définissez votre envie, quelle qu’elle soit » (« je veux voir le plus beau coucher de soleil », « j’adore les vieilles pierres »). Lorsque vous avez listé vos envies Zaptravel analyse la sémantique et reconstitue des propositions de séjours affichées sur une carte. Testez le ! (personnellement je trouve le concept assez génial mais l’offre ne m’a pas semblé si pertinente pour l’instant).

Mieux connaître et comprendre les touristes grâce au Big Data

FluxVision2

La connaissance clients (comportements et attentes) est une des applications majeures du Big Data, l’utilisation sur la cible touristique était donc toute naturelle.

L’exemple de la solution FluxVision fournie par Orange est marquant : sur la base des informations collectées par le réseau téléphonique, Orange est en mesure de reconstruire des cartes de flux touristiques. Ceci bien sûr avec les caractéristiques les plus utiles : nationalité, durée du séjour, lieu du séjour etc… Les professionnels du tourisme (logement, restauration, transport, loisirs) savent alors qui va où pendant combien de temps, ils peuvent ensuite adapter leur offre (en quantité et en prix).

En complément l’écoute des réseaux sociaux permet de mieux connaître les centres d’intérêt et les avis des touristes (en tout cas de ceux qui sont actifs sur les réseaux sociaux). Une étude (cf article e-tourisme) a par exemple montré que les plus connectés étaient les américains (50% des messages sur internet) et qu’ils faisaient majoritairement référence à la Tour Eiffel et au Louvre, globalement de manière très positive. Il a aussi été constaté que les Chinois citaient le musée du Louvre en premier avec de nombreuses citations négatives surtout à cause des vendeurs de faux billets à l’entrée. Disneyland Paris est le monument non culturel le plus évoqué dans les conversations, surtout pas les européens qui y vivent des expériences très positives. Ces quelques exemples un peu caricaturaux sont déclinables à l’échelle de TOUTES les structures touristiques. Un tableau de bord très complet de l’e-réputation du tourisme en France devrait même voir le jour à travers le projet Tourinflux, tableau de bord à destination de tous les acteurs du secteur pour pousser la connaissance des avis des visiteurs.

Une gestion personnalisée en temps réel des touristes et des flux

bluesmart

Ce 3ème changement lié au Big Data est un peu plus dans l’anticipation car les solutions techniques ne sont pas encore tout à fait déployées. Je ne prends cependant aucun risque car techniquement tout est réalisable et le gain à la fois pour les clients et pour les professionnels sera important. Voici quelques exemples (déjà existant pour la plupart) pour une expérience touristique sur place enrichie :

  • Connaître l’état de remplissage des hôtels en temps réel pour les voyageurs qui n’ont pas encore de réservation – ceci fonctionne bien via une simple application pour les velib, pourquoi pas pour les hôtels ?
  • La valise connectée pour ne plus perdre ses bagages (Bluesmart va en commercialiser une bientôt avec de nombreuses fonctionnalités innovantes – AirFrance va aussi lancer une solution de suivi de valise via eTrack)
  • Une application qui permettrait à tous les acteurs de votre voyage (transport, restauration, hôtel) de savoir où vous êtes et s’il y a un imprévu (valise perdue, retard etc…) – avec votre accord préalable bien sûr
  • Des solutions de tarification dynamique pour répartir les flux touristiques ; je parle d’appliquer basiquement ce que font les transporteurs (SNCF, compagnies aériennes) pour répartir les voyageurs à l’ensemble des lieux touristiques ; ceci demanderait une centralisation de toute l’information des flux et un traitement en temps réel

 

Finalement, comme dans presque tous les secteurs, le Big Data va enrichir la connaissance des touristes, de leurs attentes et des flux, tout ceci à des fins d’amélioration de leur expérience. En enchantant les visiteurs ils reviendront plus facilement et l’attractivité « naturelle » de la France permettra d’accroitre significativement le nombre d’entrées. La bonne nouvelle est que le poids du tourisme sur notre PIB (6,5% en France vs 4% sur l’ensemble de l’Europe) nous oblige à avancer sur le sujet et fait du tourisme un des précurseurs du Big Data à la française.

Quelques liens intéressants : article de VeilleTourisme sur les applications concrètes du Big Data, description de FluxVision par ETourisme, article sur Kayak par LechoTouristique.